Povo Xavante

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Peuple Xavante. Rituel Wai'á. Territoire indigène Pimentel Barbosa. Serra do Roncador. Canarana. État du Mato Grosso. Village de 210 habitants

Povo Xavante

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Peuple Xavante. Rituel Wai'á. Territoire indigène Pimentel Barbosa. Serra do Roncador. Canarana. État du Mato Grosso. Village de 210 habitants

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Le Peuple Xavante

Un lac aux eaux transparentes, vide de toute forme de vie ; un peuple qui, avant de dormir, se prépare à rêver et à ramener ces rêves dans ce monde ; un son grave qui s’élève entre les montagnes et donne son nom au massif (roncador signifie “celui qui ronfle”): voilà les merveilles de cette chaîne de montagnes si peu connue, la Serra de Roncador, un massif montagneux de huit cents kilomètres qui moule des fleuves et définit des routes entre les États brésiliens.

“La Serra do Roncador est un lieu de connexion entre des forces intraterrestres, physiques et supraphysiques”

Alexandre Lemos

La Serra de Roncador est surnommée chakra de la terre, porte de la guérison, passage vers le paradis… Des histoires de foi, de magie, de mystère sont censées s’y dérouler. C’est le lieu où vivent “les vrais hommes”, traduction du nom que le peuple Xavante se donne en sa propre langue. On compte, aujourd’hui, environ treize mille locuteurs de cette langue qui appartient au groupe Macro-Jê, connus pour la complexité de leur organisation sociale et leur culture encore très vivante, soucieuse à la fois de la biodiversité et de la perpétuation des connaissances ancestrales.

Dans cette région centrale du cerrado, il y a deux saisons bien définies : la saison sèche ou hiver, qui s’étend d’avril à octobre, et la saison des pluies, l’été, qui correspond aux autres mois de l’année. Les Xavantes se divisent en deux clans entre lesquels se tissent des liens de mariage. La répartition des tâches se fait selon les genres, les femmes étant responsables de l’agriculture et de la cueillette des fruits, et les hommes s’occupant de la chasse et de la pêche. Cette dernière joue un rôle important dans le rituel de ce peuple.

Dans le monde des Xavante, les hommes représentent la culture et les femmes la nature. Ainsi, les hommes se comportent en gardiens austères de la Serra de Roncador et de ses mystères. Les femmes, par contre, sont dépositaires du pouvoir latent de la vie et de la gestation, et ne peuvent pas participer aux rites qui demandent discipline et rigueur. Il s’agit des rites de connexion avec les ancêtres et les esprits, et de ceux qui préparent les jeunes au contact conscient avec les mondes intraterrestre, extraterrestre et spirituel.  

“Il y a une limite entre ce qu’on peut transmettre et ce qu’il faut garder dans son coeur, c’est ce que m’ont enseignés les Xavantes, les gardiens des passages de la Serra”

Alexandre Lemos

Le Wai’á est le plus important des rites exclusivement masculins. Il s’agit d’une série de chants que l’on a rêvés, de cérémonies d’interaction respectueuse avec le monde spirituel, pendant laquelle les Xavantes renouvellent un pacte diplomatique avec leurs dieux. Pendant la saison sèche, les adultes se préparent à la réalisation de cette cérémonie en collectant des objets qu’ils trouvent en plein cerrado.

Pour devenir des voies de communication avec l’invisible lors de ces cérémonies, les Xavantes s’abstiennent, auparavant, de nourriture, d’eau et de rapports sexuels. De plus, ils doivent marcher des jours d'affilée sous le soleil brûlant, car la résistance physique et émotionnelle est requise avant de pouvoir ouvrir les canaux de connexion spirituelle et de transe. Quand on écoute le bruit des pieds qui frappent le sol et qu’on s’est frotté avec des feuilles pour se purifier, on rêve mieux. Il faut donc le faire impérativement, puisque le rêve est l’élément du sacré.

“Les Xavantes rêvent pour transformer leurs désirs en réalité”

 Alexandre Lemos

La préparation des jeunes a pour but principal de découvrir et de former des nouveaux guérisseurs, capables de traiter les maladies, les morsures d’animaux, mais aussi contrôler la pluie et la foudre. La cérémonie, qui se conclut par une période de réclusion, est surveillée par des Xavantes plus âgés, qui observent les rituels et évaluent la discipline et la performance des plus jeunes. Ces derniers doivent découvrir, en rêve, l’emplacement d’objets sacrés que les esprits ont cachés dans le cerrado.

Tous les dix ou quinze ans, une cérémonie plus longue a lieu : c’est le Wai´árini, qui sert à fortifier et préparer les hommes aux Wai´a annuels. À cette occasion, les guérisseurs jouent leurs maracas en chantant les chants que l’on a ramenés précédemment du monde des rêves. Puis on partage la nourriture pour les remercier de l’enseignement dispensé et témoigner de l’union de tous.

Dans le territoire indigène Pimentel Barbosa, le cacique José Tserenhomo - qui se nomme aussi Sumené Xavante - maintient vivants les rêves des plus jeunes, à l’aide des anciens Waraci, Bau, Manoel Morais et Tseredzu : ces hommes, sages comme leur soeur, la forêt, ont pour rôle d’apprendre aux plus jeunes à se réveiller sans ouvrir les yeux. Dans l’obscurité, qui ne leur fait pas peur, qu’ils apprécient, ils trouvent des cures, des mots, des voies. Ils savent que tout ce dont ils ont besoin appartient au sensible, mais qu’on ne le sent pas toujours. Ils savent qu’il faut le chercher dans les mouvements du corps, qui doit pour cela connaître la fatigue.

Rêver beaucoup, suer sans cesse : c’est la recette des Xavantes pour connecter la matière au sacré. La transe naît en même temps que le soleil : cela signifie qu’on a relié exactement les sons qui importent. On peut alors cesser de chanter.

(L’ethnologue et producteur culturel Alexandre Lemos vit avec le peuple Xavante depuis plus de six ans en tant qu’ethnologue et organisateur de projets d’ethnodéveloppement)

entretien

Betty Midlin

04min55

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Betty Midlin

04:55

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