Terreiro Xambá
23:06
Xambá. Afro Brésil. Cérémonie de Oxum au Terreiro de Xambá. Babalorixá Ivo da Xambá. Yalorixá Mãe Lourdes da Xambá. Communauté Xambá. Groupe Bongar. Ville de Olinda. Pernambouc. Février
Toque de Oxum
Nous sommes dans la maison d'Oyá, l’autre nom de Iansã, mère des vents. Mais aujourd’hui, les gens du terreiro sont tous habillés de jaune-or, la couleur caractéristique d'un autre orixá. Il y a de l'eau en abondance, de l'eau douce. Des pétales tombent des mains vers le sol : c’est février, il est temps d'offrir des fleurs à mère Oxum.
“Ora Yê Yé Ô”
Salutation à Oxum
C'est elle, Oxum, qui a initié (fazer a cabeça) Père Ivo : Et c’est lui qui dirige la maison en compagnie de Mère Lourdes, de Yemanjá. Le babalorixá Ivo est le fils de Mère Biu, deuxième yalorixá du terreiro Santa Bárbara.
Pour pouvoir conter l'histoire de cette religion afro-brésilienne, vivante à Olinda depuis plus de soixante-dix ans,il faut tout d’abord obtenir la permission de Mère Biu “do Portão do Gelo” (“Porte de la Glace”). La mère d'Ivo, qui est aussi mãe de santo, est un personnage incontournable du Xambá: elle a depuis toujours fait preuve d’une persévérance infinie, luttant inlassablement pour faire vivre sa foi, même aux heures les plus sombres, quand les préjugés incessants avaient fait mettre un terme aux activités du terreiro. C'est grâce à cette force, que cette femme noire, divorcée a pu faire ce qu’il fallait pour que sa Nation survive, au moyen d’une foi inébranlable et qui fait aller de l’avant ceux qui croient.
Cette Nation, c'est le peuple Xambá ou Tchambá, venu des confins du Nigéria, près du Cameroun, de la vallée de la rivière Bénoué. Une Nation qui s'est déversée dans les eaux de Maceió, où elle demeura jusqu'en 1920, quand le babalorixá Artur Rosendo Pereira dut fuir : il emmena alors le Xambá avec lui à Recife. Sur les pas de ce guide, ce sont ensuite Maria Oyá et Mère Tila qui ont pris le relais, des femmes qui furent forcées de contenir le volume de leurs chants durant les années d'oppression qui venaient. En 1938, quand commence la dictature au Brésil, Maria Oyá est contrainte à fermer le terreiro.
C'est encore l’énergie tenace de Mère Biu qui permit la réouverture de ces portes, et qui rendit possible la fondation d’un port d’attache pour son peuple à Olinda, dans une rue qui aujourd’hui porte son nom: Severina Paraíso da Silva, et ceci, rien ni personne ne pourra l’effacer.
C’est en pensant à la préservation de ce lieu - aujourd’hui, le troisième plus grand quilombo urbain du Brésil - que son fils Ivo lança le projet de faire un mémorial qui en raconterait l’histoire. En 2002, il réussit cet exploit en réunissant une collection de près de 800 photographies, principalement tirées des archives personnelles de sa mère : fêtes, souvenirs de famille, rencontres entre les gens du Xambá. Depuis, les jours de fête et de toques pour les orixás, ceux qui viennent visiter la maison peuvent revoir au son des tambours quelques-unes de ces images et des extraits de la magnifique histoire de ce peuple.
Ici l’on célèbre Exu, Ogum, et Odé que l’on appelle aussi Oxossi. On chante Nanã et les Bêji, les trois frères mythiques Côme et Damien et Doúm. On vénère Obaluiaê, qui est Omolulu plus jeune, et Ewá, l'orixá féminin de la beauté, aux couleurs jaune, rose et violet. Et puis viennent Obá et Xangô, Oyá, Oxum, Iemanjá, et Orixalá, le Père de tous, vêtu de ses habits blancs. Finalement, Afrekête, orixá féminin aux colliers multicolores, vodum d'origine dahoméenne incorporé par les Yoruba, qui vient du candomblé, mais qui possède l'accent typique des gens du Xambá.
En ces temps de fête, les instruments vibrent dans les mains du groupe Bongar; depuis 2001, cet ensemble de six membres issus du terreiro Xambá fait revivre et transmet la subtile musicalité de sa Nation lors de rituels ou de manifestations publiques.
" Ce Candomblé, c'est mon mode de vie"
Gutinho Bongar
Ils jouent la ciranda, le coco, le candomblé, le maracatu. Ils jouent leur peuple. Ils jouent le Xambá. Ce qu'ils ont vécu dans leur foi et appris de leurs aînés débordent de mélodies. Par les pulsations de Mère Biu, ils ont appris qu'une Nation ne s'éteint pas: c’est à travers les arts qu’elle survit et peut faire écho dans le monde. Alors que la Mère range minutieusement des images dans un tiroir, d’autres font partout gronder les tambours. C’est la rivière du temps, la rivière de l’Afrique, et sur les pas de Biu, d’autres viendront entrer dans la danse, la faire résonner dans le Monde, et ainsi prendre soin de ses eaux.