Terreiro de Mina Dom Miguel
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Tambor de Mina (Tambour de Mina). Louanges aux Orixás, voduns et encantados. Père Lindomar Saraiva Barros. Terreiro de Mina Dom Miguel. São Luís. État du Maranhão. Terreiro fondé il y a plus de 23 ans
Tambor de Mina
Les participants tournent, tournent, tournent dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, parce que le temps chronologique, celui qu’on nous enseigne à l’école, n’a pas de sens pour ceux qui comprennent que la vie est faite de rencontres à travers les espaces et les temps. Ce sont des rois d’Europe, des chrétiens, des Turcs, des Juifs, des Tziganes, des Indiens, des dauphins roses et il en vient de partout à mesure que le tambour, le Tambor de Mina, fait résonner l’énergie de São Jorge de Mina : l’énergie de tous ces hommes réduits en esclavage, arrivés d’outre-mer, du Ghana, du Togo, du Bénin et du Nigéria. En tournant, ils perpétuent la transe et prennent possession de leurs enfants pour pouvoir participer à la fête.
"Boi Esperança est un roi d’Italie
couronné sur les ondes de la mer"
Chant de louange à un roi du lignage Bandeira
Cette célébration accueille quatre principaux types d’entités : d’une part, les Voduns et Orixás, puis les Gentis, appelés aussi Fidalgos, les Caboclos, et enfin, les Tosossis et Minas. Les voduns les plus connus sont Doú, Averequete, Badé, Sobô, Euá et Abê. Les orixás les plus vénérés sont Ogum, Oxossi, Xangô, Iansã, Nanã et Iemanjá. Les fidalgos se nomment Dom João, Dom Luís, Le Roi Sebastião, Dom Pedro Angaço, Reine Dina, Reine Rosa, Vandereji Roi de Turquie et Légua Boji (une entité du Terecô de Codó). Quant aux deux derniers groupes, ils s’apparentent à de grandes lignées d’entités Caboclas et sont donc aussi appelés Encantados ou Coboclos.
Bien plus qu’une danse, le Tambor est une importante religion afro-brésilienne qui apparut dans l’État du Maranhão à la fin du XVIIIe siècle et fut divisée en deux branches : la Casa das Minas Jeje (Maison des Minas Jeje) dédiée au vodum Zomadonu, et la Casa de Nagô, consacrée à Xangô. Que ce soit chez l’une ou chez l’autre, lors des rituels qu’on y accomplit, les voduns sont considérés supérieurs et tout commence et finit par eux. Mais quand les rythmes et les chants l’annoncent, un espace est ouvert pour recevoir et célébrer les autres types d’entités.
"Les catholiques ont leurs prières, les évangéliques, leurs oraisons.
Nous, nous chantons, dansons et jouons"
Père Lindomar
Cette religion est caractérisée par une liturgie complexe. C’est ce qui en fait sa richesse. On y prescrit les instruments, les habits, les comportements envers les entités, l’alternance des chants, tantôt en langue jejê, tantôt en langue nagô, en portugais pour les doctrines et en latin pour les litanies. Les cérémonies sont discrètes et il faut savoir être attentif aux détails pour parvenir à les comprendre. Dans un même terreiro, les fêtes sont yorubá, ewe-fon, Fanti-Ashanti, Ketu, Agrono, Cambinda, indigènes et européennes. Il est impossible de séparer le Tambor de Mina du catholicisme populaire, du folklore local ou de l’encantaria, mais il est également impossible d’affirmer qu’il s’agit de la même chose.
On compte près de cinq mille terreiros et dix-neuf casas de Tambor de Mina Nagô avec incorporation d’orixás dans le Maranhão, un état brésilien aux confins du Nord-Nord-Est du pays peuplé d’environ sept millions d’habitants. À l’âge de dix-huit ans, Lindomar Saraiva, fils de Xangô, inaugurait le terreiro de Mina Dom Miguel dont il est, aujourd’hui, l’officiant principal. Son titre est tantôt babalorixá, tantôt vodunon, puisqu’il y pratique le candomblé, mais aussi le Tambor de Mina.
C’est Lindomar qui entonne les chants de la cérémonie de louange aux orixás, voduns et encantados. Habillé selon les traditions de la famille d’encantados Bandeira (drapeau), où figurent les couleurs du Brésil et de l’Italie, les gens du terreiro font la fête en hommage à Légua et ses fils, les riverains, les travailleurs, les gens modestes de la campagne et tous ceux qui y vivent.
"Quand on parle de syncrétisme, je ferme mes yeux et je vois l’esclavage.
Je me souviens des maîtres d’esclaves qui passaient et récriminaient les noirs"
Père Lindomar
Des chapeaux de cuir sur la tête, les gens farceurs et extravertis qui se revendiquent de cette entité arrivent et transforment alors le terreiro en paysage typique des chemins de campagne du Maranhão : en tournoyant, les mythes ébauchent une autre géographie. Ils renaissent sous les enchantements, et perpétuent ainsi une histoire qui transcende les limites entre la vie et la mort, la terre et le ciel. Le sacré se vit au quotidien. Dans la nourriture que l’on mange, dans l’eau que l’on boit, la foi est faite d’une infinité de rayons d’énergie qui s’entremêlent, s’unissent et s’alimentent les uns des autres.
entretien
Babalorixá Lindomar
27:47